A l’issue de cette première semaine d’immersion au sein de la gare de Montfort s/ Meu, les enjeux de cette résidence sur les gares TER bretonnes commencent à se préciser. Petit retour sur nos observations à chaud.
Il apparaît tout d’abord que la dynamique des gares TER repose sur de nombreux acteurs. Comme le met en lumière ce schéma issu du « référentiel des gares TER » produit en 2005 par la Région Bretagne, la gare est un espace protéiforme, où opèrent à la fois des acteurs publics locaux (la collectivité publique d’accueil – propriétaire du foncier sur le parvis et les abords de gare, la Région – financeur des infrastructures …) et différentes filiales de la SNCF au niveau des voies et du foncier des bâtiments de gare en eux-mêmes – Gare & Connexions étant l’opérateur commercial de la SNCF permettant d’aménager les espaces en fonction des services proposés.
De l’extérieur, ce jeu d’acteurs peut sembler imperceptible au public : en effet, les gares sont historiquement identifiées comme des lieux publics, accessibles à tous et emblématique du service « de base » à la population. Cependant, cette répartition des rôles peut créer des dissonances au sein même de l’expérience du voyageur, entre une dimension très « normative » des espaces, générée par la SNCF, et une dimension plus « vernaculaire » (!) liée l’intégration de la gare dans chaque territoire… Nous remarquons ces points de tension à plusieurs niveaux.
- la signalétique : les abords de gare sont dominés par les « codes » sécuritaires de la SNCF, donnant l’impression d’un espace à la fois technique et ultra-normé. La signalétique « informative » destinée au public, connectant la gare au reste du territoire, est en revanche discrète, et passe au second plan. On nous dit « toutes les gares se ressemblent, d’un arrêt à l’autre ».
- l’affichage et l’information en gare : l’occupation des panneaux d’affichage, géré par la SNCF, donne priorité à l’information sur les services TER, ainsi qu’à des diffuseurs publicitaires conventionnés. Pour afficher des informations spécifiques au territoire (services locaux, associations, offre culturelle…) la collectivité doit louer un espace dédié en gare. Cette règle est parfois contournée par les agents en gare, comme Violette, à la gare de Montfort s/ Meu, qui a fait le choix d’afficher des affiches de théâtre sur la vitre de son guichet. Un autre témoignage nous vient de Kévin, jeune gérant du Relais H de Lamballe : « Normalement, je n’ai le droit d’afficher que la communication conventionnée par l’entreprise Relais H. Mais ici, quand c’est une association du coin, une affiche culturelle, un festival… je ne dis pas non, on ne me contrôle pas ».
- la lisibilité de l’offre de transport : alors que la communication SNCF est très présente en gare, la lisibilité des offres de transport spécifiques à chaque point d’arrêt reste très variable. Bien souvent, c’est l’agent au guichet qui pallie à ce manque de lisibilité en distribuant prospectus, fiches horaires, et adresses utiles. A Montfort, on nous dit : « pas besoin de chercher un dépliant, Violette [l’agent] a toutes les infos, c’est un vrai centre de ressources pour se déplacer localement »
- le cadre bâti : sur l’axe Rennes – Lamballe, comme sur de nombreux axes TER, l’activité des petits gares se réduit de plus en plus : permanence des guichetiers sur des horaires restreintes, mise en place de bornes d’achat, etc. Cependant, faute de rénovation les gare restent dimensionnées sur leur format d’origine. On se retrouve donc bien souvent avec de vastes bâtiments (dont la SNCF est propriétaire) dont une grande partie est laissée vacante. La question de l’ouverture des espaces à de nouveaux acteurs de la vie locale est donc cruciale pour le maintien des bâtiments de gares.
Pour finir, la complexité du jeu d’acteurs autour des gares se fait particulièrement sentir lors d’un chantier – puisque chaque acteur a des contraintes et une temporalité propres. C’est le cas de la gare de Landivisiau, où les abords de gare ont été rénovés (parking flambant neuf) alors que le bâtiment lui-même tombe en ruine, faute d’une vision claire sur l’avenir du service.
Ces différentes observations montrent que la modernisation du réseau TER ne peut se faire sans un dialogue optimal entre tous les acteurs concernés. Pour l’équipe en résidence, cela soulève plusieurs problématiques importantes :
1. Réinventer la gare dans ses « fonctions de base ».
Comment inventer des modèles intermédiaires entre la halte et la gare dotée d’un guichet ? Comment situer l’équipement approprié aux besoins de chaque territoire ? La Région Bretagne pointe la nécessité d’un « modèle ouvert » de gare TER permettant aux institutions (SNCF / Région / collectivités locales) de dialoguer autour d’une vision commune. Cela pose également la question d’un bouquet de service « de base » de la gare, pour renforcer l’accès aux services de transports TER.
2. De nouveaux acteurs en gare : la gare comme « lieu de vie » ?
La question se pose ensuite de dépasser le jeu des acteurs « historiques » pour laisser entrer de nouveaux opérateurs de service dans l’enceinte des gares – dans le but de dynamiser leur activité au-delà de leur volet « transport ».
Outre la complexité juridique et logistique que cela peut représenter, se pose la question de l’identité des gares, entre une dimension de service national, incarné par la SNCF, et une dimension plus territoriale, comme lieu potentiel de ressources (point de vente ou de distribution de produits locaux, point d’information sur les ressources locales, espace de loisirs ou d’activités, point d’accès aux services publics …).
Nous postulons donc pour une gare « lieu de vie », appropriée par les acteurs du territoire. La résidence permettra donc de tester les modalités de cette « occupation » des gares, et leur tuilage avec les fonctions TER classiques.
3. Rayonnement de la gare sur le territoire : la gare « hors les murs » ?
En parallèle, étant donné l’activité de plus en plus réduite de certaines gares, on peut se demander comment « amplifier » leur rayonnement en s’appuyant sur des institutions du territoires. Comment créer plus de liens avec les ambassadeurs « naturels » des gares que sont les commerces locaux, cafés, médiathèques, commerçants ? On imagine donc un scénario de présence de la gare « hors les murs » permettant à la fois de renforcer la notoriété des services TER sur le territoire, et d’intégrer plus profondément la gare (en mutation) dans la vie locale.
Pistes d’actions pour la semaine 2.
- un support de travail collaboratif de type maquette pour questionner la cohabitation dans les espaces de la gare de « fonctions de bas » et de « services associés », portés par des acteurs du territoire.
- une rencontre « Apéro Gare » pour envisager, dans le cas de Montfort s/ Meu, des activités potentielles pour le local vacant.
- des équipements « test » en hall de gare, mettant en valeur des services du territoire, comme la médiathèque, ou les commerces proches.